Avis de l'Autorité dans le secteur de l'IA générative | Fieldfisher
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Insight

Avis de l'Autorité dans le secteur de l'IA générative

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France

Dans sa feuille de route pour l'année 2024-2025, l'Autorité de la concurrence s'est donnée pour mission de poursuivre son engagement sur les problématiques du numérique. 

Après avoir rendu, en juin 2023, un avis sur le fonctionnement concurrentiel du secteur du cloud, l'Autorité vient de publier son premier avis relatif au fonctionnement concurrentiel du secteur de l’intelligence artificielle générative, un secteur qui a pris une place centrale dans le débat public et économique depuis le lancement, fin 2022, d'assistants comme ChatGPT, capables de générer des textes et des images. 

Dans cet avis, l'Autorité alerte les entreprises sur les dangers liés au développement de ce secteur, notamment, sur le fait que des grands acteurs du numérique, à l'instar de Google et Microsoft, bénéficient d'un avantage concurrentiel significatif dans ce secteur. Au-delà de leur puissance financière leur permettant de conclure notamment de nombreux partenariats, ils ont également un accès facilité à la puissance de calcul nécessaire, un accès privilégié aux données et la capacité d’attirer les meilleurs talents. Tous ces facteurs réunis constituent un obstacle considérable à l’entrée et à l’expansion de concurrents sur le marché, et les avantages dont bénéficient les grandes entreprises, peuvent entraîner des risques pour la concurrence.

L'Autorité se montre particulièrement préoccupée par le fait que cet avantage concurrentiel puisse être renforcé par l'intégration de ces grands acteurs du numérique sur l'ensemble de la chaine de valeur de l'IA générative ainsi que sur des marchés distincts mais liés au secteur de l'IA générative, ce qui leur garantit des économies d'échelle et l'accès aux utilisateurs, entreprises et consommateurs. Cela aurait donc pour effet de créer une forte concentration à leur profit et cela renforcerait leur puissance sur des marchés distincts mais liés, ou connexes, tels que les logiciels de productivité de bureau, les moteurs de recherche ou la publicité en ligne.

Pour pallier ce risque de domination, conformément au rôle qui lui est dévolu dans le cadre de l'article L462-4 du Code de commerce, l'Autorité formule plusieurs séries de recommandations visant à favoriser la dynamique concurrentielle du secteur :

  • Inviter la Commission française de l'IA à évaluer la possibilité de désigner des entreprises fournissant des services permettant l'accès aux modèles d'IA générative en tant que contrôleurs d'accès via le prisme des services d'informatiques en nuage définis par l'article 2 du DMA ;
  • Encourager la DGCCRF à accorder une attention particulière à l’utilisation des avoirs d’informatique en nuage dans le domaine de l’IA, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et réguler l’espace numérique ;
  • Obtenir le concours des autorités compétentes et utiliser les outils disponibles. L'Autorité s’engage ainsi à rester vigilante aux comportements des principaux acteurs présents sur la chaîne de valeur du secteur de l'IA générative, au côté de la DGCCRF, afin de mobiliser, si nécessaire, l'ensemble de leurs outils respectifs pour agir de manière rapide et efficace ; 
  • Développer des supercalculateurs publics, qui constituent une alternative aux fournisseurs de cloud et permettent à des acteurs académiques notamment d'accéder à la puissance de calcul, ce qui est bénéfique pour l'innovation. L’Autorité est également favorable à leur ouverture, dans certaines conditions, à des opérateurs privés, contre rémunération ; 
  • Préserver l'innovation en trouvant un équilibre entre une juste rémunération des ayants droit et un accès des développeurs de modèles aux données nécessaires. L'Autorité invite donc le gouvernement à inciter les ayants droits à tenir compte de la valeur économique des données selon les cas d'usage (en introduisant par exemple des prix différenciés) et à proposer des offres groupées réduisant les coûts de transaction, ceci afin de garantir les capacités d'innovation des développeurs de modèles ; 
  • Obtenir une transparence accrue sur les prises de participation minoritaires dans les entreprises innovantes, sur la base de l'article 14 du DMA, qui permet de demander aux entreprises désignées des informations sur les participations minoritaires détenues dans le même secteur d'activité que la cible.

L'Autorité précise que ces recommandations, pour la plupart, ne nécessitent pas d’initiative législative au niveau français ou européen. 

Cet avis s'inscrit également dans un débat qui dépasse le cadre national puisque le secteur de l'IA générative fait également l'objet d'une attention accrue au niveau européen, avec le règlement européen sur l’IA (en anglais, AI Act), en cours de publication au Journal officiel de l’Union européenne, qui sera applicable pour l’essentiel à partir de 2026. Ce règlement s'appliquera aussi bien aux acteurs du secteur public que du secteur privé, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'UE, dès lors que le « système d'IA » est mis sur le marché dans l'Union ou que son utilisation a une incidence sur des personnes situées dans l'UE. 

Pour rappel, l'AI Act établit des obligations selon une approche par les risques pour les systèmes d’IA. Ainsi, notamment les systèmes dits à risque inacceptable sont interdits et les systèmes « à haut risque » sont soumis à des exigences spécifiques. L'IA act impose également des obligations de transparence aux fournisseurs de modèles d'IA générative et la mise en place de mesures de nature à garantir le respect de la législation européenne sur les droits d’auteur.